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LE PARADOXE DU CHOIX

  • thomas5jmp
  • 12 nov. 2024
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 nov. 2024



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Je viens de raccrocher avec mon pote, le pilote. Cela fait quelques mois qu'il est de retour en France, et après avoir idéalisé la situation, fantasmé sur un pays qui n'existe plus, il en arrive à la même conclusion que moi : la France est devenue invivable. Le climat est oppressant, les gens sont fermés, agressifs, déprimés. Il n'y a plus d'énergie, juste une lourdeur qui plane partout. L’Europe semble à bout de souffle. Ça fait presque 20 ans que je connais mon pote, on s'était rencontrés à Miami, et je me rends compte qu'on a toujours les mêmes conversations. On cherche encore la femme idéale, la société parfaite. C'est devenu presque pathétique.

Pourquoi cette incapacité à prendre une décision ? Je me pose sur le balcon avec un verre de vin, quelques amuse-gueules. Le soleil descend sur la montagne, le quartier est calme ce soir. Il a plu, l’air est frais. Je mets Voodoo Child de Jimi Hendrix.

Je pense que l’une des raisons principales de tout ça vient du fait que, personnellement, j’ai eu trop de choix au cours de ma vie. On nous fait croire que le choix est synonyme de liberté, mais je n'en suis pas si sûr. En fait, l’abondance de choix peut avoir l’effet inverse. Plutôt que de nous libérer, elle peut nous paralyser, rendant chaque décision plus difficile à prendre. Parfois, moins de choix mène à plus de liberté, car ça élimine cette pression de devoir constamment évaluer et comparer les options.

Il est aussi essentiel de redéfinir ce que l'on entend par liberté. Dans nos sociétés modernes, capitalistes et libérales, la liberté est souvent vue comme l'absence de contraintes extérieures, la possibilité de satisfaire ses désirs, d’avoir le choix. Mais, par exemple, dans le bouddhisme, la liberté se définit autrement : il s'agit de se libérer de ses désirs, de les surmonter. Pour moi, la véritable liberté réside dans la capacité à agir selon la raison et à se détacher des passions irrationnelles. Je pense que même notre conception actuelle de la liberté est erronée, ce qui nous amène à partir sur de mauvaises bases. Bref, j'en reviens à la notion du choix.

Ça me rappelle une expérience de psychologie sociale menée par Lyengar et DeVoe en 2003. Les chercheurs ont constaté que les employés récompensés par un voyage pour leurs bonnes performances étaient plus satisfaits lorsque la destination leur était imposée, plutôt que lorsqu’ils avaient le choix entre plusieurs options. Ce phénomène, connu sous le nom de paradoxe du choix, montre que trop d’options peuvent engendrer de l’anxiété et du regret, car les individus commencent à douter de leur décision. En revanche, une décision imposée élimine ces doutes et procure une plus grande satisfaction.

J'ai vraiment eu trop de choix au cours de ma vie. J'ai rencontré des centaines de femmes, visité des centaines de villes... À chaque fois, je pensais que le choix m'offrait une forme de liberté, mais avec le temps, j'ai réalisé que cela m’a surtout laissé avec une impression de vide, de manque de direction. Ce trop de choix finit par diluer l’expérience, enlevant la profondeur de chaque rencontre, de chaque lieu. Tout devient superficiel, insatisfaisant. Puis, on finit par penser qu’on trouvera toujours mieux, qu’il y a toujours une option plus satisfaisante quelque part. Ce doute constant devient un poison, une obsession qui nous empêche de vraiment apprécier ce que l’on a. Chaque choix semble limité par l’idée qu’il y a quelque chose de mieux à découvrir, et cette quête interminable nous empêche de nous engager pleinement dans ce qui est juste devant nous. Cette soi-disant liberté se transforme alors en asservissement à nos désirs.

Comme le dit l’adage : "Le mieux est l'ennemi du bien."

Je réalise, non sans effroi, qu’en prison, par l’absence de choix, j’éprouve une certaine sérénité que je ne ressens que très rarement, pour ne pas dire jamais, lorsque je suis libre physiquement. La privation de choix, paradoxalement, crée un espace où l’esprit est moins dispersé, moins tiraillé par les décisions à prendre. Dans ce cadre, tout est réduit à l’essentiel, et cette simplification me permet de m’échapper, d’une certaine manière, du chaos mental que génère la liberté. Ce n’est pas pour rien que la plupart des traditions spirituelles prônent une forme d’ascétisme.

Je bois la fin de mon verre d’un seul trait. Cette pensée me terrifie. Quand je suis libre physiquement, je suis prisonnier de mes désirs, et lorsque je suis physiquement enfermé, c’est là que je trouve une forme de liberté mentale.

L'avenir s'annonce compliqué, et l'absence de solution commence à devenir une évidence.

Une fois vieux, je n'aurai plus le choix, et il ne me restera que les regrets, repensant à toutes les femmes que j'aurais laissées passer.

Je me ressers un autre verre que je descends rapidement. Je me sens même emprisonné en moi-même, sans savoir comment exprimer cette étrange sensation. Il y a une limitation que je ne saurais décrire, comme si quelque chose me retenait, mais que je ne pouvais ni comprendre ni expliquer.

Un solo interminable de Jimi Hendrix, psychédélique, ajoute à l'angoisse. Les notes s'étirent, flottent dans l'air, amplifiant cette sensation d'étouffement, comme si la musique elle-même venait se mêler à mes pensées désordonnées, plongeant encore plus profondément dans cette sensation de perte de contrôle.

Je ferme un peu trop violemment le laptop, et le son s’arrête. La pression redescend. J’entends la musique du bar en bas. Je vais aller boire quelques bières et discuter de tout et de rien avec les ivrognes. Ça me détendra.

Au moins, j’ai toujours le choix d’aller me souler…

Dans ce monde où l’on me noie sous les options, c’est presque rassurant de savoir qu’au fond, l’une d’elles consiste à m’effacer, un verre après l’autre.

 
 
 

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